Version espanola
© Jean-Pierre Maurin
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C’est dans le superbe écrin de l’opéra royal de Versailles que nous retrouvions le ballet de l’opéra de Lyon… dans ce lieu historique, inauguré le 16 mai 1770, jour du mariage du Dauphin avec l’archiduchesse Marie-Antoinette, avec une représentation de Persée de Quinault et Lully.
Entre les velours bleus et les marbres qui ornent ce joyau architectural, le ballet de l’opéra de Lyon présentait une des rares relectures de Giselle et sans conteste, l’une des plus pertinentes, chorégraphiée en 1982 par Mats Ek et entrée dans le répertoire de la compagnie en 2009.
© Jean-Pierre Maurin
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Les danseurs du ballet de l’opéra de Lyon incarnent au plus juste, au plus vrai, le langage ékien qui exige d’eux un corps solide, blindé et résistant, qui doit veiller à ne pas se disloquer tout en jouant avec ses limites. Qu’elles soient physiques, techniques ou psychologiques, il s’agit de les étirer au maximum. Certes, le vocabulaire est classique, mais il subit des torsions, des cassures telles qu’il met les danseurs au défi d’enchaîner les pas avec fluidité. Immenses pliés à la seconde, les sauts sont hauts, les développés extrêmes, les bras rayonnent dans l’espace, l’ensemble étant combiné avec un usage fréquent des tours attitudes qui fusent dans le tourbillon de l’action. La ligne est souple, le mouvement continu et les bustes des danseurs, très courbes, doivent être capables de toutes les ondulations. La souplesse est rompue par des attitudes angulaires qui surviennent au paroxysme des tensions. La densité du mouvement n’a d’égale que l’intensité des situations et des sentiments.
Mais chaque mouvement part d’un sentiment personnel profond de l’interprète, à l’image de Giselle qui, submergée du bonheur de sa rencontre, « fait l’avion » dans une mémorable course circulaire. Car pour le chorégraphe suédois, le livret de Giselle est une mine inépuisable de « troubles », de tensions qu’il va se faire fort d’évacuer, sans ménagement, sur le plateau.
Gardant le livret d’origine (écrit par Théophile Gautier) et la musique d’Adolphe Adam, Mats EK accentue le tragique de la situation, faisant de Giselle (émouvante Caelyn Knight !) la demeurée du village, confrontée à une communauté rurale brute et oppressante. Giselle s’enflamme pour Albrecht (Denis Terrasse, superbe en jeune nobliau superficiel), mais sa tromperie ne la tue pas, elle devient seulement folle. Le second acte se déroule donc au sein d’un asile psychiatrique. Myrtha, la terrible reine des Willis est cette fois une infirmière qui préserve la pauvre Giselle des séductions de la sexualité adulte. Hilarion (Yang Jiang, précis et juste), l’ami d’enfance, n’abandonnant pas Giselle, essaiera de la ramener à la réalité. En vain ! La Giselle de Mats Ek, comme l’héroïne du ballet classique, aime toujours Albrecht. Elle lui pardonne et le sauve en lui faisant découvrir la richesse des sentiments. A la fin du ballet, après la nuit folle et sauvage à l’asile, Albrecht, nu, replié sur lui-même, se voit habillé d’une couverture par Hilarion, dans un ultime geste de réconciliation. Albrecht aurait-t-il enfin trouvé sa raison de vivre ?
© Jean-Pierre Maurin
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De par son interprétation et son investissement, le ballet de l’opéra de Lyon s’est taillé un franc succès et les spectateurs, venus nombreux, n’ont pas hésité à féliciter les interprètes en les acclamant longuement et châleureusement. A juste titre. Incontestalement.
Représentation du jeudi 31 mars 2011